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Gedicht

Yves Bonnefoy

The house where I was born (07)

I remember, it was a morning, in summer,
The window was half-open, I drew near,
I could see my father at the end of the garden.
He was motionless, looking for something,
I could not tell what, or where, beyond the world,
His body was already bent over, but his gaze
Was lifted toward the unaccomplished or the impossible.
He had put aside his pick and his spade,
The air was fresh on that morning of the world,
But even freshness can be impenetrable, and cruel
The memory of the mornings of childhood.
Who was he, who had he been in the light,
I did not know, I still do not.

But I also see him on the boulevard,
Walking slowly, so much weariness
Weighing down the way he now moved,
He was going back to work, while I
Was wandering about with some of my classmates
At the beginning of an afternoon still free from time.
To this figure, seen from afar, moving on its way,
I dedicate the words that cannot say what they would.

(In the dining room
Of the Sunday afternoon, in summer,
The shutters closed against the heat,
The table cleared, he suggested
Cards, since these are the only pictures
In the childhood house to satisfy
The needs of dream, but he leaves,
And when he does, the child clumsily takes the cards,
He puts the winning ones in the other’s hand,
Then waits feverishly for the game to begin again,
And for the one who was losing to win, and so triumphantly
That he might see in this victory a sign, something
To nourish some hope the child cannot know.
After this, two paths part, and one of them
Vanishes, and almost immediately, forgetfulness
Sets in, avid, relentless.

I have crossed out  
These words a hundred times, in verse, in prose,
But I cannot
Stop them from coming back.)

The house where I was born (07)

Je me souviens, c’était un matin, l’été,
La fenêtre était entrouverte, je m’approchais,
J’apercevais mon père au fond du jardin.
Il était immobile, il regardait
Où, quoi, je ne savais, au-dehors de tout,
Voûté comme il était déjà mais redressant
Son regard vers l’inaccompli ou l’impossible.
Il avait déposé la pioche, la bêche,
L’air était frais ce matin-là du monde,
Mais impénétrable est la fraîcheur même, et cruel
Le souvenir des matins de l’enfance.
Qui était-il, qui avait-il été dans la lumière,
Je ne le savais pas, je ne sais encore.

Mais je le vois aussi, sur le boulevard,
Avançant lentement, tant de fatigue
Alourdissant ses gestes d’autrefois,
Il repartait au travail, quant à moi
J’errais avec quelques-uns de ma classe
Au début de l’après-midi sans durée encore.
A ce passage-là, aperçu de loin,
Soient dédiés les mots qui ne savent dire.

(Dans la salle à manger
De l’après-midi d’un dimanche, c’est en été,
Les volets sont fermés contre la chaleur,
La table débarrassée, il a proposé
Les cartes puisqu’il n’est pas d’autres images
Dans la maison natale pour recevoir
La demande du rêve, mais il sort
Et aussitôt l’enfant maladroit prend les cartes,
Il substitue à celles de l’autre jeu
Toutes les cartes gagnantes, puis il attend
Avec fièvre, que la partie reprenne, et que celui
Qui perdait gagne, et si glorieusement
Qu’il y voie comme un signe, et de quoi nourrir
Il ne sait, lui l’enfant, quelle espérance.
Après quoi deux voies se séparent, et l’une d’elles
Se perd, et presque tout de suite, et ce sera
Tout de même l’oubli, l’oubli avide.

J’aurai barré
Cent fois ces mots partout, en vers, en prose,
Mais je ne puis
Faire qu’ils ne remontent dans ma parole.)
Close

The house where I was born (07)

Je me souviens, c’était un matin, l’été,
La fenêtre était entrouverte, je m’approchais,
J’apercevais mon père au fond du jardin.
Il était immobile, il regardait
Où, quoi, je ne savais, au-dehors de tout,
Voûté comme il était déjà mais redressant
Son regard vers l’inaccompli ou l’impossible.
Il avait déposé la pioche, la bêche,
L’air était frais ce matin-là du monde,
Mais impénétrable est la fraîcheur même, et cruel
Le souvenir des matins de l’enfance.
Qui était-il, qui avait-il été dans la lumière,
Je ne le savais pas, je ne sais encore.

Mais je le vois aussi, sur le boulevard,
Avançant lentement, tant de fatigue
Alourdissant ses gestes d’autrefois,
Il repartait au travail, quant à moi
J’errais avec quelques-uns de ma classe
Au début de l’après-midi sans durée encore.
A ce passage-là, aperçu de loin,
Soient dédiés les mots qui ne savent dire.

(Dans la salle à manger
De l’après-midi d’un dimanche, c’est en été,
Les volets sont fermés contre la chaleur,
La table débarrassée, il a proposé
Les cartes puisqu’il n’est pas d’autres images
Dans la maison natale pour recevoir
La demande du rêve, mais il sort
Et aussitôt l’enfant maladroit prend les cartes,
Il substitue à celles de l’autre jeu
Toutes les cartes gagnantes, puis il attend
Avec fièvre, que la partie reprenne, et que celui
Qui perdait gagne, et si glorieusement
Qu’il y voie comme un signe, et de quoi nourrir
Il ne sait, lui l’enfant, quelle espérance.
Après quoi deux voies se séparent, et l’une d’elles
Se perd, et presque tout de suite, et ce sera
Tout de même l’oubli, l’oubli avide.

J’aurai barré
Cent fois ces mots partout, en vers, en prose,
Mais je ne puis
Faire qu’ils ne remontent dans ma parole.)

The house where I was born (07)

I remember, it was a morning, in summer,
The window was half-open, I drew near,
I could see my father at the end of the garden.
He was motionless, looking for something,
I could not tell what, or where, beyond the world,
His body was already bent over, but his gaze
Was lifted toward the unaccomplished or the impossible.
He had put aside his pick and his spade,
The air was fresh on that morning of the world,
But even freshness can be impenetrable, and cruel
The memory of the mornings of childhood.
Who was he, who had he been in the light,
I did not know, I still do not.

But I also see him on the boulevard,
Walking slowly, so much weariness
Weighing down the way he now moved,
He was going back to work, while I
Was wandering about with some of my classmates
At the beginning of an afternoon still free from time.
To this figure, seen from afar, moving on its way,
I dedicate the words that cannot say what they would.

(In the dining room
Of the Sunday afternoon, in summer,
The shutters closed against the heat,
The table cleared, he suggested
Cards, since these are the only pictures
In the childhood house to satisfy
The needs of dream, but he leaves,
And when he does, the child clumsily takes the cards,
He puts the winning ones in the other’s hand,
Then waits feverishly for the game to begin again,
And for the one who was losing to win, and so triumphantly
That he might see in this victory a sign, something
To nourish some hope the child cannot know.
After this, two paths part, and one of them
Vanishes, and almost immediately, forgetfulness
Sets in, avid, relentless.

I have crossed out  
These words a hundred times, in verse, in prose,
But I cannot
Stop them from coming back.)
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