Gedicht
Yves Bonnefoy
The house where I was born (05)
In the same dreamI am lying in the hollow of a boat,
My forehead and eyes against the curved planks
Where I can hear the undercurrents
Striking the bottom of the boat.
All at once, the prow rises up,
And I think that we’ve come to the estuary,
But I keep my eyes against the wood
That smells of tar and glue.
Too vast, too luminous the images
That I have gathered in my sleep.
Why rediscover, outside,
The things that words tell me of,
But without convincing me,
I desire a higher or less somber shore.
And yet I give up this ground that stirs
Beneath the body waking to itself, I get up,
I go from room to room in the house,
They are endless now,
I can hear the cries of voices behind doors,
I am seized by these sorrows that knock
Against the ruined casings, I hurry on,
The lingering night is too heavy for me,
Frightened, I go into a room cluttered with desks,
Look, I’m told, this was your classroom,
See on the walls the first images you looked at,
Look, the tree, look, there, the yelping dog,
And the geography map on the yellow wall,
This fading of names and forms,
This effacing of mountains and rivers
By the whiteness that freezes language.
Look, this was your only book. The Isis of the plaster
On the wall of this room, which is pealing away,
Never had, nor ever will have anything other
To open for you, to close on you.
© Translation: 2003, John T. Naughton
From: Les planches courbes
Publisher: Mercure de France, Paris, 2001
From: Les planches courbes
Publisher: Mercure de France, Paris, 2001
The house where I was born (05)
Or, dans le même rêve
Je suis couché au plus creux d’une barque,
Le front, les yeux contre ses planches courbes
Où j’écoute cogner le bas du fleuve
Et tout d’un coup cette proue se soulève,
J’imagine que là, déjà, c’est l’estuaire,
Mais je garde mes yeux contre le bois
Qui a odeur de goudron et de colle.
Trop vastes les images, trop lumineuses,
Que j’ai accumulées dans mon sommeil.
Pourquoi revoir, dehors,
Les choses dont les mots me parlent, mais sans convaincre,
Je désire plus haute ou moins sombre rive.
Et pourtant je renonce à ce sol qui bouge
Sous le corps qui se cherche, je me lève,
Je vais dans la maison de pièce en pièce,
Il y en a maintenant d’innombrables,
J’entends crier des voix derrière des portes,
Je suis saisi par ces douleurs qui cognent
Aux chambranles qui se délabrent, je me hâte,
Trop lourde m’est la nuit qui dure, j’entre effrayé
Dans une salle encombrée de pupitres,
Vois, me dit-on, ce fut la salle de classe,
Vois sur les murs tes premières images,
Vois, c’est l’arbre, vois, là, c’est le chien qui jappe,
Et cette carte de géographie, sur la paroi
Jaune, ce décolorement des noms et des formes,
Ce déssaisissement des montagnes, des fleuves,
Par la blancheur qui transit le langage,
Vois, ce fut ton seul livre. L’Isis du plâtre
Du mur de cette salle, qui s’écaille,
N’a jamais eu, elle, n’aura rien d’autre
A entrouvrir pour toi, refermer sur toi.
Je suis couché au plus creux d’une barque,
Le front, les yeux contre ses planches courbes
Où j’écoute cogner le bas du fleuve
Et tout d’un coup cette proue se soulève,
J’imagine que là, déjà, c’est l’estuaire,
Mais je garde mes yeux contre le bois
Qui a odeur de goudron et de colle.
Trop vastes les images, trop lumineuses,
Que j’ai accumulées dans mon sommeil.
Pourquoi revoir, dehors,
Les choses dont les mots me parlent, mais sans convaincre,
Je désire plus haute ou moins sombre rive.
Et pourtant je renonce à ce sol qui bouge
Sous le corps qui se cherche, je me lève,
Je vais dans la maison de pièce en pièce,
Il y en a maintenant d’innombrables,
J’entends crier des voix derrière des portes,
Je suis saisi par ces douleurs qui cognent
Aux chambranles qui se délabrent, je me hâte,
Trop lourde m’est la nuit qui dure, j’entre effrayé
Dans une salle encombrée de pupitres,
Vois, me dit-on, ce fut la salle de classe,
Vois sur les murs tes premières images,
Vois, c’est l’arbre, vois, là, c’est le chien qui jappe,
Et cette carte de géographie, sur la paroi
Jaune, ce décolorement des noms et des formes,
Ce déssaisissement des montagnes, des fleuves,
Par la blancheur qui transit le langage,
Vois, ce fut ton seul livre. L’Isis du plâtre
Du mur de cette salle, qui s’écaille,
N’a jamais eu, elle, n’aura rien d’autre
A entrouvrir pour toi, refermer sur toi.
© 2001, Yves Bonnefoy
From: Les planches courbes
Publisher: Mercure de France, Paris
From: Les planches courbes
Publisher: Mercure de France, Paris
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The house where I was born (05)
Or, dans le même rêveJe suis couché au plus creux d’une barque,
Le front, les yeux contre ses planches courbes
Où j’écoute cogner le bas du fleuve
Et tout d’un coup cette proue se soulève,
J’imagine que là, déjà, c’est l’estuaire,
Mais je garde mes yeux contre le bois
Qui a odeur de goudron et de colle.
Trop vastes les images, trop lumineuses,
Que j’ai accumulées dans mon sommeil.
Pourquoi revoir, dehors,
Les choses dont les mots me parlent, mais sans convaincre,
Je désire plus haute ou moins sombre rive.
Et pourtant je renonce à ce sol qui bouge
Sous le corps qui se cherche, je me lève,
Je vais dans la maison de pièce en pièce,
Il y en a maintenant d’innombrables,
J’entends crier des voix derrière des portes,
Je suis saisi par ces douleurs qui cognent
Aux chambranles qui se délabrent, je me hâte,
Trop lourde m’est la nuit qui dure, j’entre effrayé
Dans une salle encombrée de pupitres,
Vois, me dit-on, ce fut la salle de classe,
Vois sur les murs tes premières images,
Vois, c’est l’arbre, vois, là, c’est le chien qui jappe,
Et cette carte de géographie, sur la paroi
Jaune, ce décolorement des noms et des formes,
Ce déssaisissement des montagnes, des fleuves,
Par la blancheur qui transit le langage,
Vois, ce fut ton seul livre. L’Isis du plâtre
Du mur de cette salle, qui s’écaille,
N’a jamais eu, elle, n’aura rien d’autre
A entrouvrir pour toi, refermer sur toi.
From: Les planches courbes
The house where I was born (05)
In the same dreamI am lying in the hollow of a boat,
My forehead and eyes against the curved planks
Where I can hear the undercurrents
Striking the bottom of the boat.
All at once, the prow rises up,
And I think that we’ve come to the estuary,
But I keep my eyes against the wood
That smells of tar and glue.
Too vast, too luminous the images
That I have gathered in my sleep.
Why rediscover, outside,
The things that words tell me of,
But without convincing me,
I desire a higher or less somber shore.
And yet I give up this ground that stirs
Beneath the body waking to itself, I get up,
I go from room to room in the house,
They are endless now,
I can hear the cries of voices behind doors,
I am seized by these sorrows that knock
Against the ruined casings, I hurry on,
The lingering night is too heavy for me,
Frightened, I go into a room cluttered with desks,
Look, I’m told, this was your classroom,
See on the walls the first images you looked at,
Look, the tree, look, there, the yelping dog,
And the geography map on the yellow wall,
This fading of names and forms,
This effacing of mountains and rivers
By the whiteness that freezes language.
Look, this was your only book. The Isis of the plaster
On the wall of this room, which is pealing away,
Never had, nor ever will have anything other
To open for you, to close on you.
© 2003, John T. Naughton
From: Les planches courbes
Publisher: 2001, Mercure de France, Paris
From: Les planches courbes
Publisher: 2001, Mercure de France, Paris
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